Barrages-voûtes
Les barrages-voûtes sont des ouvrages remarquables par leurs dimensions, leur finesse. Ils tirent au maximum partie de la capacité de résistance des matériaux et du rocher de fondation. Leur conception est aussi plus complexe que pour les autres types de barrages.
Fonctionnement
Comme son nom l’indique, un barrage-voûte résiste à la pression de l’eau par l’effet voûte, c’est à dire en s’arc-boutant sur les flancs de la vallée. Son mode de résistance est donc très différent de celui d’un barrage-poids et met en jeu, non plus l’équilibre statique de tranches verticales parallèles, mais l’équilibre élastique de l’ensemble de l’ouvrage. Par contre, il sollicite fortement ses appuis et exige donc un rocher de bonne qualité pour rester dans le domaine élastique. Ce type de barrage est particulièrement adapté aux vallées étroites et profondes et de forme assez régulière. Ils sont notamment utilisés lorsque la largeur de la gorge ne dépasse pas 5 à 6 fois la hauteur du barrage projeté. Pour des largeurs plus importantes des dispositions constructives particulières doivent être adoptées.
C’est le type de barrage le plus achevé en ce sens que c’est celui qui utilise le mieux les matériaux employés. Ses progrès sont allés de pair avec l’amélioration de la qualité des ciments et la maîtrise de la fabrication et de la mise en place des bétons.
Construction
Les barrages-voûtes sont des barrages monolithiques mais ils ne sont évidemment pas construit en une seule étape. Pour la phase de construction, le barrage est découpé en plots verticaux de dix à vingt mètres de longueur. Chaque plot est lui-même construit par levées de bétonnage successives, le béton étant serré par vibration.
Lorsque tous les plots sont construits, on procède au clavage de la voûte en injectant, sous pression, les espaces entre les plots. Cette opération permet de redonner à la structure un fonctionnement d’ensemble.
Méthodes de calcul
La sécurité de la voûte résulte de la comparaison entre la contrainte unitaire subie par l’ouvrage en chaque point et la résistance mécanique du béton et de la roche d’appui. Comme on ne fait travailler le béton dans les ouvrages modernes qu’au tiers ou au quart de sa résistance, le coefficient de sécurité est donc très élevé sous réserve que les appuis tiennent. Il est remarquable que le barrage de VAJONT en Italie n’ait pas souffert de la rude épreuve à laquelle il a été soumis lorsque plus de 260 millions de m3 de roche ont glissé brusquement dans le lac produisant une gerbe d’eau de plus de 150 m au-dessus de l’ouvrage suivie par le déversement prolongé d’une lame d’eau de 15 à 20 m d’épaisseur.
L’expérience montre que les barrages-voûtes sont sûrs. La catastrophe de Malpasset résulte de la faiblesse de la roche de fondation et non de la structure elle-même.
Le calcul des barrages voûtes est en réalité très complexe. Son développement a commencé vers la même époque que pour les barrages-poids. DELOCRE avait fait une première approche du problème (avec une grosse erreur de calcul !). Il avait conclu que l’effet voûte se développerait tant que l’épaisseur du barrage serait moindre que le tiers du rayon de courbure du parement amont. M. PELLETRAU écrivait, en 1877, que le critère était le demi rayon, tandis que J.R. KRANTZ estimait que le rayon devait avoir moins de 20 m pour que cet effet soit effectif.
La méthode la plus simple est basée sur la formule du tube établie par Mariotte en 1673 et démontrée par Navier en 1826. Elle consiste à partager le barrage en anneaux horizontaux et à supposer que chaque anneau résiste à la pression de l’eau qui lui est directement appliquée. Cette pression p ayant une valeur, en MPa, proportionnelle à la profondeur h en mètres à son niveau, la formule dite " du tube " donne la contrainte moyenne , e étant l’épaisseur de l’arc en mètres et R le rayon de la courbure.
Cette formule oblige à des adaptations pour obtenir les contraintes réelles dans la voûte en raison par exemple de l’encastrement de la structure dans ses fondations. C’est ainsi que lorsque l’arc est élancé, ses sections sont partout comprimées, mais à partir d’une certaine épaisseur les conditions dans lesquelles travaille la voûte font qu’il apparaît des zones tendues. Tenant compte du fait qu’on doit négliger la résistance à la traction, RESAL a proposé, en 1919, de substituer à la voûte réelle, une voûte fictive également circulaire et d’épaisseur constante inscrite dans la voûte réelle mais dont le béton serait partout comprimé.
L’hypothèse des anneaux horizontaux indépendants ne tient pas compte de leur interaction qui est loin d’être négligeable. L’étape suivante a été de considérer les barrages voûtes comme l’ensemble de deux systèmes coexistants : un système d’arcs horizontaux indépendants fixés à leurs extrémités, et un système de consoles verticales fixées à leur base et libres au sommet.
Dès 1905, une version élémentaire de cette méthode de calcul était utilisée aux Etats-Unis. La déformation radiale en clé de chaque arc était calculée, ainsi que celle de la console de clé. Par une méthode d’approximations successives, la charge d’eau était répartie sur les arcs et sur la console de manière que les déformations radiales des deux éléments à leur point d’intersection soient égales entre elles.
Une méthode analogue a été proposée en 1919 par RESAL.
En 1922, STUCKY a perfectionné cette méthode en considérant, non plus seulement la console centrale mais plusieurs consoles verticales et en ajustant, en tous les nœuds, les déformations radiales de ce système réticulé (méthode des arcs murs).
Ensuite en 1929, la théorie de l’élasticité fut introduite aux États-Unis et en 1931, la " TRIAL LOAD METHOD " était mise au point par les ingénieurs américains du " BUREAU OF RECLAMATION " à DENVER. Cette méthode consistait à ajuster aux nœuds du système, non seulement la déformation radiale, mais aussi la déformation tangentielle et les rotations locales des arcs et des consoles en procédant par tâtonnement à l’aide de tableaux de chiffres calculés une fois pour toutes. Cette méthode d’essais successifs est restée en usage jusqu’aux années 70, époque à partir de laquelle la montée en puissance des ordinateurs suscita un développement de nouveaux et puissants algorithmes de résolution .
Ainsi la méthode des éléments finis, mise au point par ZIENKIEWICZ, décompose les structures en petits éléments et calcule les contraintes dans ces éléments et les déformations aux nœuds. Son utilisation s’est vite généralisée.
Différents types d’approches ont plus récemment été mis au point. En allant du plus simple au plus complexe, on peut trouver :
- ceux qui considèrent les voûtes comme des coques (les éléments ont une épaisseur égale à celle de la voûte)
- ceux à caractères tridimensionnels (plusieurs éléments dans l’épaisseur)
- ceux qui sont capables de tenir compte de la non-résistance à la traction du béton et du rocher
- ceux qui prennent en compte les effets du couplage entre l’eau et la structure (poroplasticité et poroendommagement).
La forme des barrages voûtes présente de nombreuses variantes ; les plus simples sont cylindriques mais, par suite de la variation de l’épaisseur, les 2 parements n’ont généralement pas la même définition géométrique. La forme peut alors être celle d’un cylindre ou d’une surface à double courbure, sorte de dôme ou de coupole.
Barrages remarquables
L’origine des barrages voûtes est comme on l’a vu assez lointaine (époque romaine). La première voûte en France est le barrage ZOLA, construit en 1843 par François ZOLA, le père d’Émile ZOLA pour alimenter en eau la ville d’AIX EN PROVENCE. Il a 42m de hauteur au dessus de ses fondations, 6m d’épaisseur en crête et 12,75m à la base. Son rayon de courbure est de 48,20m.
André COYNE, associé à Jean BELLIER, a été le concepteur de la plupart des grands barrages voûtes construits en France dont le barrages de MAREGES.
On a construit de très hauts barrages voûtes. Le record de hauteur a longtemps été détenu par le barrage d’INGURI (Géorgie) de 272m de hauteur. Il appartient aujourd’hui au barrage de XIAOWAN en Chine avec 292 m de hauteur.
En France, le plus haut barrage voûte est celui de TIGNES avec 180 m au-dessus des fondations. Le dernier grand barrage-voûte construit en France est celui de PUYLAURENT, mis en eau en 1996.
Barrages poids-voûtes
Entre les barrages-poids et les barrages voûtes se situent des ouvrages mixtes, poids-voûte ou voûte épaisse, tels que ceux qui ont été réalisés dans la Dordogne.
Les formes sont habituellement simples : le parement amont est un cylindre vertical, le parement aval présente un fruit de 40 à 50% au lieu des 80% du barrage-poids classique. La courbure en plan fait participer les appuis à la résistance de l’ouvrage.
Les ouvrages sur la Dordogne les plus importants sont de ce type : barrages de CHASTANG, L’AIGLE et BORT LES ORGUES. Dans le monde le barrage de HOOVER (USA) est le plus grand barrage poids-voûte (221m de hauteur).