Réponse du CFBR à la concertation nationale sur le mix énergétique de demain – Janvier 2023
Réponse du Comité Français des Barrages & Réservoirs (CFBR) à la concertation nationale sur le mix énergétique - Texte complet
Texte condensé déposé le 15 janvier 2023 sur le site de la concertation : https://concertation-strategie-energie-climat.gouv.fr/ :
En tant que président du Comité Français des Barrages et Réservoirs (CFBR), je souhaite apporter la contribution de notre association professionnelle, pour éclairer le débat public sur le rôle, la place et le potentiel de l’hydro-électricité, énergie placée au coeur de notre profession et au service des besoins en eau & énergie de la nation et de ses territoires.
L’hydro-électricité est restée trop longtemps oubliée dans le débat public, et ses atouts méconnus comme l’a rappelé l’Agence Internationale de l’Energie en 2021 dans son rapport spécial sur l’Hydro.
Sur l’enjeu de décarbonation : l’hydroélectricité présente un facteur d’émission très faible – médiane mondiale de 24 gCO2eq/kWh, moyenne inférieure à 10 gCO2eq/kWh en France métropolitaine, la plaçant parmi les technologies de production d’électricité les moins émettrices (avec d’autres renouvelables et le nucléaire). De plus l’hydro-électricité affiche le meilleur « retour sur investissement énergétique » (EROEI) de toutes les formes de production d’énergie électrique, atout très largement méconnu et totalement occulté dans le débat public.
Sur l’enjeu de sécurisation de l’équilibre Offre-Demande du système électrique : l’hydro-électricité présente ici l’un de ses atouts majeurs : c’est la seule « grande » énergie renouvelable qui soit pilotable grâce aux barrages-réservoirs de grande capacité, et grâce aux STEP ; sa flexibilité inégalée permet d’injecter très rapidement des puissances très importantes sur le réseau, pour satisfaire les pics de consommation. L’analyse prospective RTE sur les futurs énergétiques 2050, a clairement mis en évidence la nécessité de développer des moyens de flexibilité pilotables supplémentaires, quels que soient les scénarios de mix considérés, et notamment de nouvelles STEP hydro-électriques (+4 GW a minima, pour doubler la capacité actuelle de la France qu’il faudra aussi garantir sur la durée). Un développement progressif est à lancer dès à présent, avec certainement une cible de +1.5 GW à l’horizon 2030-2035.
Sur la préservation de la biodiversité : l’hydro-électricité est une énergie renouvelable très souvent pointée du doigt pour son empreinte locale sur les rivières en occultant ses autres atouts globaux. Notre profession a engagé depuis plusieurs décennies des programmes d’étude et de recherche permettant de développer et implémenter les meilleures techniques disponibles en vue d’éviter, réduire, ou compenser les impacts environnementaux des aménagements et de leur fonctionnement sur les hydrosystèmes naturels (principe ERC).
Sur l’accès de l’électricité à un prix compétitif et raisonnable pour tous : l’hydro-électricité est une technologie mature qui affiche un coût de production compétitif, indépendant des fluctuations de prix des combustibles, et offre un gage de stabilité dans la durée par la structure de ses coûts de production. C’est un atout majeur dans la période particulièrement instable que nous vivons actuellement.
Sur la résilience du système énergétique aux effets du changement climatique : notre profession est engagée dans l’évaluation des risques et opportunités induits par le changement climatique. Face à une ressource en eau potentiellement plus variable dans le temps et dans l’espace, l’existence de réservoirs de grande capacité à gestion saisonnière doit aussi être vue comme une assurance et un outil de résilience des territoires.
Sur l’indépendance et la souveraineté de notre approvisionnement en électricité : l’hydro-électricité est, par nature, une énergie souveraine, ancrée dans les territoires de notre pays, à l’abri des turbulences économiques et géopolitiques. De plus, la chaîne de valeur de l’hydro-électricité est à 90% européenne et majoritairement d’origine Française, avec des retombées importantes pour l’activité des entreprises françaises et les emplois directs et indirects. Cette création de valeur territoriale est largement méconnue et sous-estimée.
Sur le niveau de sûreté des installations : la sûreté des ouvrages de production est la pierre angulaire de l’énergie hydro-électrique, comme pour d’autres technologies de production. En France, les aménagements hydro-électriques sont soumis à des exigences réglementaires renforcées depuis la fin des années 2000 et modulées selon le classement des ouvrages. Le retour d’expérience très largement positif depuis des décennies place la France parmi les pays les plus performants.
Il n’y aura pas UNE unique solution pour le mix énergétique de demain, mais un ensemble de solutions qui doit être pensé dans une vision « système », sur le long terme. L’hydro-électricité fait partie de la solution.
S’il fallait n’illustrer les atouts et la valeur de l’hydro-électricité que par un seul fait, on pourrait tout simplement rappeler la situation du système électrique français il y a quelques semaines, le lundi 12/12/2022 : entre 6h et 8h du matin, la puissance hydro-électrique délivrée sur le réseau passe de 3 GW à 16 GW (en moins de 2 heures), et assure à elle seule la variation à la hausse de la consommation, classique d’un début de semaine.
Il faut rendre la filière hydro-électrique française attractive pour les futures générations : la France dispose d’atouts considérables. Les acteurs français continuent d’innover dans tous les domaines. Mais cette place de choix est fragile. L’attractivité vers nos métiers ne sera une réalité que si des projets d’ampleur voient le jour. Ces futurs projets requièrent des signaux politiques et industriels clairs, à poser maintenant compte-tenu des durées de développement de projets durables concertés et co-construits avec les territoires.
Le CFBR continuera de s’engager pour encore mieux faire connaître l’hydro-électricité, son rôle et ses atouts, et convaincre ainsi les décideurs nationaux et régionaux de la nécessité d’agir, sans tarder.
Denis AELBRECHT, Président